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27 juin 2009 6 27 /06 /juin /2009 02:08



LA TAVERNE DU DOGE LOREDAN

                                   traduit de l'italien par Jean-Luc Nardone et Jacqueline Malherbe-Galy


Voilà encore un livre qu'on pourrait classer comme OLNI et dont je serai à jamais reconnaissante à Edwood d'avoir attiré mon attention dessus, car je n'ai pas l'impression que je serais allée de moi-même vers ce livre dont la quatrième de couv' est plutôt "embrouillante" et la structure des paragraphes pas très engageante.

Difficile par contre de résister à son argument de choc que je reprends ici et qui fait suite à notre enthousiaste commun pour El Ultimo Lector de David Toscana:
"J'ai cru comprendre en parcourant votre blog que vous êtes particulièrement attentive aux oeuvres qui se plaisent à jouer avec toutes les ressources de la littérature. Si c'est bien le cas, je pense que l'oeuvre d'Alberto Ongaro, La taverne du doge Loredan, devrait vous donner bien du plaisir. Vous pouvez y aller les yeux fermés, d'autant que ce livre fabuleux est désormais disponible en poche.
Tiens, d'ailleurs, après ma énième lecture, il faudra que je réalise un billet."


Bingo, j'ai pris bien du plaisir à lire cet OLNI qui m'a enchantée par son originalité, bien que je comprenne que cet aspect-là précisément pourra en décourager plus d'un, je pense au billet de Géraldine qui m'a beaucoup amusée par ailleurs, car c'est pile poil ce qui l'a ennuyée qui m'a séduite ici, et il n'est pas impossible que ce roman, dans sa structure, irrite bien d'autres lecteurs, comme semble en rire doucement l'auteur par l'intermédiaire de l'un de ses personnages:

"Certes, pense Schultz, passer de cette façon d'un livre à l'autre ne doit pas être très bénéfique pour la santé de l'esprit. Je finirai par avoir les idées confuses, peut-être même par ne plus savoir où je me trouve."

Sans aller dans les détails car c'est un roman drôlement foisonnant, j'ai vraiment apprécié cette idée du livre dont ferait partie son lecteur, ce dernier devenant "un personnage de l'histoire qu'il est en train de lire et même en quelque sorte le coauteur". Ce roman illustre parfaitement bien le mécanisme de lecture où l'on fait des pauses nécessaires, prolongeant ainsi le suspense de l'intrigue, soit pour penser à ce qui est dit, soit parce que ce qu'on vient de lire, par association d'idées, nous fait penser à d'autres choses non contenues dans le livre mais qui y sont liées quelque part. Ces moments ici sont subtilement intégrés à l'intrigue en cours, en en faisant au final, un "roman qui incorpore tout ce qui l'entoure, tout ce qui arrive dans son aire, le lecteur qui le lit, ses pensées, ses souvenirs, son histoire, le téléphone qui sonne [...]" et qui sera "publié tel qu'il s'est composé au fur et à mesure de la lecture".

Il manquait un troisième espace pour insérer les pauses du lecteur externe (nous, donc), nos réflexions en cours de lecture. On pourrait aussi faire partie de ce livre, ou peut-être en fait-on partie? De la même façon que tout n'est pas exprimé en mots dans un livre et qu'il y a des non-dits que l'on supplémente par l'imagination, notre présence active y est peut-être inscrite dans "une page non écrite, une scène qui n'est pas racontée et qui pourtant est là, même si elle n'est pas racontée, dans les espaces de ce livre".

J'ai été vraiment enthousiasmée par le résultat de cet exercice littéraire plutôt original et par les réflexions que suscite ce roman, je regrette juste que les ficelles du livre soient soulignées de façon aussi ostensible, ne laissant pas vraiment au lecteur externe le loisir de tergiverser sur ce qui se passe (à la différence du lecteur du livre).

L'intrigue en elle-même a-t-elle vraiment de l'importance ou sert-elle juste de prétexte à l'élaboration de cette expérimentation littéraire? Je n'en ai pas grimpé aux rideaux personnellement mais elle a juste ce qu'il faut de palpitant, mêlant aventures, trame historique, amours passionnels, petit côté canaille, avec une pointe de fantastique et d'humour auquel je ne m'attendais pas, pour maintenir l'intérêt du lecteur.

C'est un livre assez fou quand on y pense bien mais qui arrive à tenir la route malgré tout, c'est ça que j'ai trouvé admirable!


L'auteur
Alberto Ongaro est né et demeure à Venise. Romancier et journaliste, il a été le complice de Hugo Pratt. A ce jour, quatre de ses oeuvres ont été traduites en français: La Partita, La Taverne du doge Loredan, Le Secret de Caspar Jacobi et Une vie d'aventures.


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commentaires

C
<br /> Je profite de mon passage pour vous signaler que mon billet à propos de l'oeuvre d'Alberto Ongaro est enfin en ligne sur mon blog du même nom.<br /> Merci à Fanja du soutien apportée.<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Fantastique! Il était temps quand même, non? Je file voir ça!<br /> <br /> <br />
C
Merci à Keisha et Fanja pour les remarques élogieuses.Je soupçonne quelques personnes qui seraient en train de fomenter un procès contre moi. Il parait que je suis responsable du crime d'extension démesurée d'idées de lecture.
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A
<br /> Remarques tout à fait méritées - aïe!! (ça c'était ma PAL qui vient de surgir dans ma tête, ça fait mal des fois, mieux vaut ne pas trop y penser! )<br /> <br /> <br />
K
Au sujet de Jesus VideoSiouplait, ne pas regarder les dernières pages. D'abord, ça ne sert à rien, ensuite il y a plein de rebondissements d'ici là... Niark, niark!
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A
<br /> J'essaie, j'essaie! Là je viens de feuilleter la fin du livre juste pour voir s'il y avait... de... un... euh... des mots de remerciement de l'auteur, mais j'ai soigneusement évité la fin de<br /> l'histoire. J'y retourne pour m'en rapprocher!<br /> <br /> <br />
K
Toi d'abord (je veux ce liiiivre!), Ys ensuite! Dans quel état vais je passer l'été? Toi aussi tu ne connais pas le mot patience on dirait (oh donnez moi de la patience... et tout de suite!)Excellentes interventions de Christophe aussi! (jene le connais pas par ailleurs)
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A
<br /> Aah comme je te comprends! Dès que j'ai appris l'existence de ce livre, il me le fallait deee suiiite aussi!<br /> Bon sinon pour la terrible épreuve que nous inflige Ys, tu auras au moins le mois de juillet pour penser à autre chose! <br /> Après, le temps que tu atterrisses et que tu réintègres notre monde, elle aura sûrement dévoilée son secret (j'espère!!!).<br /> Aah Christophe, figure-toi que sa taverne est une horrible tentation pour ma PAL maintenant! Aaargh!<br /> <br /> <br />
Y
Ah, je vois qu'il y en a d'autres que ne savent pas ce que patience veut dire :-) Il va falloir attendre pourtant, je peaufine mon affaire, je n'ai même pas encore trouvé de nom... allez, deux petits mois d'été et j'espère faire plaisir à beaucoup !
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A
<br /> Pa- quoi?? Non, je ne connais pas ce mot!<br /> Bon, je vois que j'ai deux mois pour l'apprendre... Je note d'ores et déjà dans mon agenda qu'il faut que je guette cette affaire!<br /> <br /> <br />
C
A girl,Concernant les omissions, je vous comprends car le net est très pauvre en informations françaises sur cet auteur, et pas dénué de faux éléments.Il y a eu deux vagues Ongaro en France. La première à la sortie de La partita chez Sylvie Messinger, il y a bien une vingtaine d'années. La deuxième, lancée avec La taverne du doge, depuis deux ans grâce à Anacharsis.Curieusement, les critiques avaient déjà salué Ongaro au moment de la première édition de la Partita(je n'étais pas encore au fait de l'actualité mais c'est ce que l'on m'a rapporté). Pourquoi la sauce prend-elle mieux maintenant? Mystère comme vous dites. Peut-être partiellement grâce au net et au bouche à oreille qui a fait beaucoup de bien à son travail je pense. Cependant, il y a encore de nombreux romans d'Alberto Ongaro à ne jamais avoir été traduits en français et tout n'est pas gagné. C'est pourquoi il faut continuer de faire connaître son oeuvre qui le mérite vraiment à mes yeux.D'autre part, je pense avoir compris ce que vous voulez dire, contrairement à ce que vous laissez penser. J'imagine que vous auriez aimé tirer une certaine fierté à deviner par vous-même les allusions de l'auteur, qui vous semblent trop dévoilées. Vous me dites si je me trompe;)?Géraldine, ravi de rencontrer quelqu'un qui n'a pas accroché au roman d'Alberto Ongaro. Cependant, pourriez-vous davantage étayer vos propos pour que j'essaie de me mettre à votre place?Concernant la signification classique d'OLNI, il s'agit d'Objet Littéraire non Identifié, si je ne m'abuse.
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A
<br /> Alberto Ongaro devrait sortir de son relatif anonymat depuis que La taverne du doge Loredan a été estampillé "Prix des lecteurs du livre de poche 2009". Il bénéficie, depuis un ou deux<br /> mois il me semble, d'une bonne visibilité en librairie grâce à cette étiquette. Je l'avais aperçu récemment dans ce contexte et j'étais très étonnée de cette coïncidence alors que j'allais le lire<br /> suite à vos bons conseils et qu'il me semblait qu'à l'époque personne ne parlait de ce livre.<br /> D'ailleurs Géraldine l'a lu dans ce cadre, étant membre du jury pour le prix des lecteurs poche de cette année. Je me permets de vous donner le lien vers son billet dès maintenant pour assouvir<br /> votre curiosité sur son avis (comme je ne sais pas si elle repassera par ici de si tôt): http://cdcoeurs.over-blog.net/article-29724018.html<br /> <br /> Quant à ce que je voulais dire, oui c'est à peu près ça.  Disons que dans la lecture, j'aime bien tirer mes<br /> propres conclusions, quitte à ce qu'elles soient totalement fausses, j'aime réfléchir, me poser des questions sur ce que je lis (comme le lecteur Schultz en fait) mais sans qu'on me guide trop,<br /> réaliser soudain que j'ai peut-être saisi quelque chose, tirer le fil de ce que j'ai trouvé pour voir si ça me mène là où vraisemblablement l'auteur voulait m'amener, et si ça me mène ailleurs,<br /> tant pis, du moment que ça me mène là où j'y trouve du sens, et forcément, dans ce processus, on se sent récompensé.<br /> <br /> <br />
G
Euh, c'est quoi OLNI.... Je devine le L le N et le I mais pas le O. Bon, je persiste et signe, je n'ai vraiment pas aimé ce roman, même s'il y a pire, comme celui que je suis en train de lire !!!
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A
<br /> Objet Littéraire Non Identifié. <br /> Tiens justement dans ma réponse au com' précédent, je parlais des lecteurs qui se laisseraient porter ou non par ce roman en comparant l'expérience de lecture à un tour de grand huit. On aime ou<br /> pas, je comprends tout à fait que ce ne soit pas ta tasse de thé (j'avais bien aimé ton billet à ce sujet d'ailleurs, très drôle, on sent VRAIMENT que tu n'as pas aimé ).<br /> <br /> <br />
Z
c'est dur de s'imaginer la construction de ce livre, mais ton billet m'intrigue...
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A
<br /> Oui, on a du mal à s'imaginer ce que contient ce livre tant qu'on n'a pas mis le nez dedans, mais une fois dedans, ça roule tout seul (normalement ).<br /> Ce n'est pas une structure complexe dans la forme mais plutôt dans ce que l'auteur a imaginé. D'ailleurs "complexe" n'est pas le bon mot car c'est vraiment très accessible, pour peu qu'on se laisse<br /> porter (c'est là où tous les lecteurs ne se ressemblent pas - comme quand on s'embarque sur un grand huit, certains se laissent porter avec enthousiasme, d'autres gueuleront tout le long en<br /> maudissant ce tour à la fin )<br /> <br /> <br />
Y
Ce livre-là, c'est pile poil ce qu'il me faut pour le petit quelque chose que j'organise pour la fin août (c'est un secret, pas de questions !). Merci pour cet enthousiasme !
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A
<br /> Euh, tu m'as coupé dans mon élan là!  Justement, je suis ter-ri-ble-ment curieuse de ce "petit quelque chose que<br /> tu organises pour la fin août" et dans lequel ce livre pourrait jouer un rôle!!! C'est quoiiiiiiiii???  C'est fou, là<br /> je me pose mille questions!!!<br /> <br /> <br />
C
A girl,Suite à votre commentaire effectué dans la taverne, je reviens ici pour découvrir votre billet. Je suis ravi, vraiment que cette oeuvre vous aie touchée d'autant plus que vous émettez des réserves concernant le background de l'histoire. Cela prouve bien que vous vous êtes laissée prendre par l'essence même du livre. Je voudrais juste ajouter que je ne pense pas qu'Alberto Ongaro veuille imposer au lecteur une vision mais plutôt s'amuser avec lui, en le faisant croire tantôt à ceci puis à cela pour finalement lui chuchoter à l'oreille que la vérité est ici, ailleurs et nulle part en même temps, que cela n'est pas le plus important. L'essentiel étant notre pouvoir de s'extraire de la structure classique.Pour ma part, Alberto Ongaro m'a captivé de la première à la dernière ligne du livre par son art consommé de l'invention. Cet homme sait se mettre à la place du lecteur quand il écrit et c'est, je pense, une qualité qui lui permet de sublimer son oeuvre.Je me rappelle avoir presque été en transe en pénétrant ce livre. Votre analyse des mises en abyme et des pauses sollicitées pour prendre du recul me paraissent particulièrement pertinentes.Pa ailleurs, concernant l'ajout final que vous avez fait, il mérite un complément d'informations puisque désormais, on peut se réjouir de pas moins de quatre traductions françaises des romans d'Alberto Ongaro...la Taverne, le Secret de Caspar Jacobi, La Partita( merci à Anacharsis) et aussi Une vie d'aventures, qui est une sorte de biographie romancée de Hugo Pratt, son complice de bande-dessinée.Au vu du second souffle que connaît son oeuvre, mon petit doigt me dit et espère qu'on devrait pouvoir en découvrir encore beaucoup d'autre...D'ailleurs, Alberto Ongaro compose en ce moment un roman qui part à la recherche de Joseph Conrad dans un hôtel asiatique...Chut! C'est un secret.
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A
<br /> Bonsoir Christophe!<br /> <br /> Merci pour ce commentaire qui complète et nuance le mien de façon très éclairée!<br /> <br /> Je vais de ce pas mettre à jour les informations sur l'auteur dont j'ai fait un bête copier/coller depuis Amazon.fr. C'est plutôt une bonne nouvelle en effet que trois autres de ses oeuvres soient<br /> accessibles au public francophone! C'est assez étonnant cette apparente réticence ou lenteur certaine à traduire ses écrits, la littérature italienne est plutôt bien représentée en France, et<br /> Alberto Ongaro ne me semble pas mériter moins que d'autres de figurer dans la liste. Les coulisses du marché du livre, ce mystère...<br /> Merci pour ce petit secret que vous partagez, le sujet s'annonce original (encore une fois) et me met en appétit!<br /> <br /> Tout à fait d'accord avec vous quand vous dites qu'Alberto Ongaro sait se mettre à la place du lecteur quand il écrit et qu'il s'amuse avec lui, mais n'empêche je trouve qu'il pointe quand même<br /> trop clairement du doigt la structure du livre (pour preuve les quelques extraits que j'ai choisis pour décrire l'essence de ce roman) au lieu de laisser le lecteur arriver tout seul à ses<br /> conclusions. Bon, moi ça m'a gênée parce que ça donne l'impression que l'auteur estime que le lecteur n'est pas assez futé pour apprécier son éclair de génie ou qu'il craint que le lecteur ne<br /> saisisse pas cet aspect de l'intrigue. Je m'explique probablement mal mais je veux dire par là que quelque part, j'aurais préféré "mériter" avoir saisi l'essence du livre plutôt qu'on me le serve<br /> sur un plateau (bon je crois que ça n'éclaire toujours pas ce que je veux dire, tant pis ).<br /> <br /> Enfin ceci n'est qu'un détail qui n'a pas entaché mon plaisir de lecture car je vous rejoins de nouveau quand vous parlez d'"art consommé de l'invention", effectivement, comment ne pas tirer son<br /> chapeau devant le talent et l'imagination de l'auteur!<br /> <br /> <br />
K
Hum, tu dois bien te douter quelle sera ma réaction! Eh oui *soupir* ce livre m'attire irrésistiblement...
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A
<br /> Ca ne m'étonne pas effectivement! Là je serais vraiment très très curieuse d'avoir ton avis dessus, j'espère donc que<br /> tu pourras mettre la main dessus assez vite!<br /> <br /> <br />

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